Par Adama Diaby, Elisabeth Kibitek, Rebecca Szantyr
Plus de 64% des femmes ont été déclarées pauvres au Mali en 2018. Malgré les défis qui affectent ses populations vulnérables, le Mali connait une révolution silencieuse. Le pays est un exemple du pouvoir d'autonomisation, de résilience et de transformation des partenariats dans le domaine de l’inclusion financière. La méthodologie du Groupe Yeredeme au Mali, soutenue par la Swiss Capacity Building Facility (SCBF), en est un exemple inspirant.
La méthodologie du Groupe Yeredeme
Le projet du Groupe Yeredeme (GYD) est une méthodologie innovante qui vise à autonomiser les femmes rurales grâce à des activités d'autogestion et d'apprentissage par les pairs. "Groupe Yeredeme" signifie "groupe d'entraide" en Bambara. Le projet intègre le développement des moyens de subsistance, l'intermédiation financière, l'autonomisation des femmes et le développement communautaire. La SCBF a principalement financé l'assistance technique pour ce projet. Le modèle adopte une méthodologie unique d'apprentissage par les pairs et de modélisation des rôles, validant sa capacité à inspirer et à enseigner aux femmes rurales à diriger et à gérer leurs entreprises et activités commerciales. Le modèle aide les femmes rurales à améliorer leur productivité et leur rentabilité.
L'ONG CAMIDE et sa branche financière, l'institution de microfinance Benso Jamanu, mettent le modèle en œuvre ensemble, pour aider les femmes de Sero Diamanou et Liberté Dembaya à surmonter les obstacles relatifs à l'accès au crédit, et à développer et stimuler leurs activités économiques. L'objectif ultime est d'améliorer l'inclusion financière, d'autonomiser les femmes en leur donnant accès aux ressources et aux opportunités économiques, et de renforcer les aptitudes de ces dernières à la gestion des affaires.
Les femmes participant au programme vivent dans de petits villages (moins de 100 habitants). Elles ont à leur charge 8 à 10 personnes, et s’investissent généralement dans des activités agricoles et du petit commerce. Elles gagnent moins de 10 000 FCFA (16 USD) par mois.
Stimuler l'inclusion financière grâce à des partenariats gagnants : la méthodologie du Groupe Yeredeme, un partenariat tripartite réussi
Les experts sont unanimes sur le fait que l'inclusion financière est importante pour la réduction de la pauvreté. L'inclusion financière vise à garantir l'accès aux services financiers de base à tous les individus, indépendamment de leur situation économique ou géographique. Ces services financiers incluent notamment l'épargne, le crédit et l'assurance. Ils doivent être à prix réduits, utiles, adaptés aux besoins des individus et offerts par des prestataires fiables et responsables.
Les partenariats facilitent la mise en commun des ressources, des compétences, des technologies et des innovations d’acteurs, tels que les gouvernements, les institutions financières, les organisations de producteurs, les fournisseurs de services numériques, les donateurs et les organisations internationales.
La SCBF soutient l'innovation en matière d'inclusion financière par le biais de partenariats qui améliorent l'accès aux services financiers pour les personnes à faible revenu, les petits exploitants agricoles et les petits entrepreneurs. La SCBF a une longue histoire de partenariats avec d'autres organisations dans le cadre de la promotion de l'inclusion financière. Au Mali, la SCBF s'est associée à l'ONG CAMIDE (une organisation malienne installée dans la région de Kayes) pour le projet du Groupe Yeredeme (GYD), qui impacte l'amélioration de l'accès aux services financiers des femmes, leur inclusion économique et sociale, ainsi que leur autonomisation.
Le partenariat tripartite a réuni :
- Le bailleur de fonds : la SCBF a apporté son assistance technique à CAMIDE.
- L'institution d’autonomisation sociale : l'ONG CAMIDE aide les femmes à s'organiser en groupes, les forme et leur donne les moyens de gérer leurs propres entreprises. Elle participe également au processus de crédit (avec la contribution des fédérations) en analysant les demandes de prêt et en évaluant les capacités de remboursement des clientes avant de les transmettre à l'institution financière. L’ONG a réussi à rassembler plus de 5000 femmes dans 30 organisations villageoises et 355 groupes d'entraide.
- L’intermédiaire financier : Benso Jamanu, l'institution de microfinance locale, joue un rôle clé dans ce partenariat en adaptant ses produits financiers aux réalités des participantes. Pour tenir compte du faible niveau financier des femmes et les inciter à demander des crédits, l’institution a développé un nouveau produit de crédit avec un taux d'intérêt réduit. Plus de 3 000 femmes dans la région ont pu être inscrites et financées pour un montant total supérieur à 190 millions de FCFA (plus de 300 000 USD). Le taux de défaillance étant faible, le portefeuille à risque de l'institution pour ces prêts (PAR à 30 jours) reste constamment inférieur à 1 %.
Ce partenariat tripartite a permis la mise en œuvre d'un processus durable et a contribué à un avenir plus inclusif pour les femmes rurales, conduisant aux résultats suivants :
Selon les estimations du Forum économique mondial, il faudra 135,6 ans pour combler le fossé mondial entre les hommes et les femmes. L'inclusion financière et l'autonomisation des femmes sont donc des questions cruciales. Cette étude de cas du projet du Groupe Yeredeme montre comment les services financiers peuvent aider les femmes à améliorer leur vie et à devenir plus autonomes. Son principal objectif est de rendre les services financiers plus accessibles aux femmes. Les institutions financières doivent pouvoir proposer des services mieux adaptés et réduire les obstacles à l’accès aux services financiers pour les femmes, pour un impact potentiellement positif sur la vie des femmes ciblées.
L'accès des femmes aux services financiers est entravé par les inégalités et le manque d’éducation financière. Les prestataires de services financiers doivent donc être plus responsables vis-à-vis des femmes, en leur fournissant des informations claires sur les coûts et les risques associés aux services financiers. Ces institutions peuvent être d'une grande aide pour les femmes grâce à la sensibilisation sur l'existence de possibilités et d'initiatives d’octroi de crédit et à des campagnes d'éducation financière régulières. Dans le cadre du projet groupe yeredeme, l’ONG CAMIDE a utilisé ses PRC pour diffuser l’information au sein des communautés. Pour s'assurer de la participation de la plupart des femmes des villages, les CRP ont d'abord collaboré avec des organisations de femmes existantes et des autorités villageoises.
Les prestataires de services financiers devraient également investir dans la collecte et l'analyse de données ventilées par genre. L'expérience de Benso Jamanu a montré que les taux de défaillance des femmes sont généralement faibles. Ainsi, les institutions financières pourraient en tirer davantage de bénéfices si elles systématisaient l'analyse de données ventilées par genre qui leur permettrait d'adapter leurs offres à un plus large éventail de femmes et d'améliorer l’accès aux services financiers de ces dernières.
Les organisations à but non lucratif, telles que l’ONG CAMIDE, devraient plaider auprès des décideurs politiques, des fonctionnaires et de la société civile en faveur de l'accès aux infrastructures et aux services de base dans les zones rurales. Ces services comprennent notamment l'électricité, l'eau potable et l'assainissement. Ces dispositions permettraient aux populations rurales de développer davantage leurs moyens de subsistance.
En conclusion, l'inclusion financière et l'autonomisation des femmes sont essentielles pour réduire la pauvreté, promouvoir le développement économique et social et renforcer la résilience des populations à faible revenu. La SCBF joue un rôle crucial pour accroître l'inclusion financière et la résilience des populations vulnérables. Elle cofinance des projets et encourage la collaboration avec le secteur privé. La méthodologie du Groupe Yeredeme au Mali illustre la manière dont les efforts de collaboration peuvent faire tomber les barrières et renforcer l'autonomisation économique des femmes.
Alors que nous tendons vers un avenir plus inclusif, il devient évident que les partenariats joueront un rôle central pour l'inclusion financière des femmes rurales. Ces partenariats doivent être établis pour résoudre les problèmes spécifiques des populations qu'ils servent, en évitant de suivre des modes passagères afin de garantir une efficacité durable. Les partenaires devraient partager leurs ressources et promouvoir des politiques sensibles au genre afin de bâtir une société où toutes les femmes ont la possibilité de participer pleinement à l'économie. Une feuille de route pour construire des partenariats efficaces qui favorisent l'inclusion financière et le développement pourrait être un excellent point de départ pour encourager davantage de collaborations.