Le chef de division adjoint au Département Afrique du FMI, Antonio David, observe pour les perspectives régionales d’octobre 2024, une stabilisation de la dette publique africaine, mais s'inquiète de son coût. Pour un pays sur quatre, le remboursement de cette dette dépasse 20% des recettes fiscales, un niveau associé aux tensions budgétaires.
Agence Ecofin : Sur les perspectives économiques d'octobre 2024 pour l'Afrique subsaharienne, quelles sont les améliorations que vous relevez depuis le mois d'avril dernier et quels sont les points où vous pensez qu'il y a encore des marges de progression ?
Antonio David : Les perspectives économiques pour l'Afrique s'améliorent petit à petit. Certains changements dans les politiques économiques commencent à montrer des résultats positifs. Par exemple, on observe une diminution de certains déséquilibres économiques, comme l'inflation, qui baisse dans plusieurs pays. Environ la moitié des pays affichent déjà des taux d'inflation plus acceptables. En 2023, de nombreux pays ont également fait des efforts pour mieux gérer leurs finances publiques : environ deux tiers des pays ont pris des mesures pour consolider leur budget.
Antonio David : « En 2025, on espère une légère accélération de la croissance économique, autour de 4,4 %. »
Grâce à ces efforts, le niveau de la dette s'est stabilisé, même s'il reste élevé, à environ 58 % du PIB. Cependant, la bonne nouvelle est que la dette ne continue pas à augmenter.
Certains pays africains ont pu accéder au marché des euro-obligations, comme le Cameroun en juillet. Du côté des échanges extérieurs, on prévoit également une légère amélioration du déficit du compte courant en 2024, qui passerait de 4,2 % du PIB à 4,3 % pour les pays africains typiques. Cependant, malgré ces progrès, il reste des vulnérabilités, qui varient selon les pays. Comme vous le savez, l'Afrique est un continent très diversifié, avec des situations différentes selon les pays. Dans un tiers des pays, comme l'Angola, l'Algérie et l'Éthiopie, l'inflation reste encore élevée, avec des taux à deux chiffres.
En 2023, de nombreux pays ont également fait des efforts pour mieux gérer leurs finances publiques : environ deux tiers des pays ont pris des mesures pour consolider leur budget.
En général, les pays de la région ont une faible capacité à rembourser leur dette. Un indicateur clé à surveiller est le rapport entre les intérêts de la dette et les revenus fiscaux. Ce ratio est en moyenne de 12 % pour les pays africains, mais dans un quart des pays, il atteint 20 %, un niveau assez élevé qui montre des tensions budgétaires. De plus, les réserves de devises des pays sont souvent insuffisantes, couvrant moins de trois mois d'importations.
Agence Ecofin : Et comment se présentent globalement les perspectives ?
Antonio David : En 2025, on espère une légère accélération de la croissance économique, autour de 4,4 %. C’est mieux que les taux observés en 2024 et 2023, mais cela reste insuffisant pour vraiment réduire la pauvreté ou rattraper les pays plus riches et les marchés émergents. Selon nos prévisions, les efforts pour équilibrer les budgets continueront en 2025, avec un ajustement d'environ 0,6 % du PIB, réparti entre l'augmentation des revenus et la réduction des dépenses.
Cependant, ces perspectives sont soumises à plusieurs risques, notamment la montée des tensions sociales, le changement climatique, les catastrophes naturelles, l'instabilité des marchés financiers mondiaux, la pandémie de mpox, la volatilité des prix des matières premières, ainsi que la fragmentation géopolitique.
Agence Ecofin : Concernant la capacité des États à refinancer leur dette, nous observons une double pression : celle des intérêts sur les revenus fiscaux et celle sur la balance des paiements. Certains pays ont réussi à lever des fonds sur le marché financier international à des taux relativement favorables. Quels enseignements tirez-vous des émissions d'eurobonds par les États africains en 2024, et comment le FMI envisage-t-il d'accompagner ces pays pour renforcer leur position sur les marchés internationaux de capitaux, qui pourraient constituer une solution partielle aux risques budgétaires actuelles ?
Antonio David : Le retour sur le marché des euro-obligations est une très bonne nouvelle. Cela montre que les conditions de financement mondiales sont devenues un peu plus favorables, ce qui a permis de réduire les coûts d'emprunt. C’est aussi une reconnaissance des efforts faits par les gouvernements pour adopter des politiques économiques plus prudentes. On peut dire que c'est une sorte de récompense pour ces efforts. Cependant, il est important de noter que de nombreux pays de la région ne peuvent toujours pas accéder à ces financements extérieurs. De plus, les taux d'intérêt de ces emprunts restent plus élevés que la moyenne historique : alors qu'ils étaient autour de 7 % en moyenne dans le passé, certains pays doivent maintenant payer des taux dépassant 10 %.
Le retour récent des pays africains sur le marché des euro-obligations montre que ces flux de capitaux sont cycliques : ils sont plus faciles à obtenir quand l'économie va bien, mais se tarissent quand la situation se détériore. Dans ce contexte, le FMI joue un rôle clé en tant que source de financement d’urgence et filet de sécurité financière au niveau mondial. Notre soutien aux pays s’organise autour de trois axes principaux : d’abord, en fournissant des conseils économiques et en dialoguant avec les décideurs ; ensuite, par des financements directs ; et enfin, en aidant à renforcer les capacités des pays.