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Comment atteindre 80 millions de femmes et augmenter leurs revenus de 30 % ?

posté par Le Hub de la Finance Digitale , le 23 sept 2024
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Greta Bull dirige le département « Women's Economic Empowerment » de la Fondation Gates, où elle supervise un portefeuille d'investissements portant sur la collecte de données et le développement des connaissances sur les questions de genre, les collectifs économiques de femmes (WEC) et le développement des moyens de subsistance des femmes pauvres. Avant de rejoindre la Fondation, Greta a travaillé pendant 15 ans au sein du groupe de la Banque mondiale, où elle a occupé pendant six ans le poste de PDG du CGAP.

La Fondation Gates a récemment publié un livre blanc intitulé Women and Equitable Growth in a Resource-Constrained World (« Les femmes et la croissance équitable dans un monde aux ressources limitées »), dans le cadre de ses travaux sur l'émancipation économique des femmes et les systèmes financiers inclusifs. Cette publication, qui plaide pour se concentrer sur la construction de marchés de crédit inclusifs, en particulier en Afrique, marque une évolution significative par rapport à l'opinion récente dans le secteur. FinDev Gateway s'est entretenu avec Greta Bull, principale autrice de ce document, pour discuter de sa signification pour le secteur de l'inclusion financière dans son ensemble.

Portail FinDev : Qu’est-ce qui est à l’origine des travaux de la Fondation Gates qui ont abouti à la publication du livre blanc « Women and Equitable Growth in a Resource-Constrained World » ?

Greta Bull : Notre stratégie est axée sur l'augmentation des revenus des femmes. Cet objectif est notre phare. Comment y parvenir ? Comment atteindre 80 millions de femmes et augmenter leurs revenus de 30 % ? En nous penchant sur cette question, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait commencer là où se trouvent les femmes. Et beaucoup de femmes sont dans l'économie informelle, à la tête de nano, micro et petites entreprises. Et l'un des besoins vitaux de ces entreprises est l'accès à des sources de capital abordables.

Nous utilisons le terme « capital » à dessein, car il ne s'agit pas nécessairement de prêts ; il peut s'agir d'un transfert monétaire ou d'une subvention destinée à capitaliser une association d’épargne et de crédit. Mais il peut aussi s'agir d'un crédit, fourni par un groupe, une IMF ou une fintech. Ce qui est important, c'est que nous devons fournir des capitaux aux femmes de manière à ce qu'elles puissent les utiliser à des fins productives pour augmenter leurs revenus. Et nous devons le faire à un prix qui soit abordable et qui reflète le risque réel de défaut de remboursement du prêt par l’emprunteuse.

Où les femmes trouvent-elles le capital dont elles ont besoin ? Nous avons l'écosystème de crédit informel – groupes d'entraide, associations d’épargne et de crédit, etc. Il y a les transferts monétaires et les programmes destinés à sortir les plus démunis de la grande pauvreté. Il y a aussi la microfinance et la fintech. Nous avions l'habitude de considérer tous ces types de financement en silos, comme très différents les uns des autres.

Mais en fin de compte, il s'agit toujours d'argent – soit il circule en sens unique (comme les transferts monétaires), soit il circule dans les deux sens à des prix différents (crédit). Les preuves de l'impact des transferts monétaires sont assez claires. En ce qui concerne le crédit, les résultats sont plus mitigés, généralement parce que le crédit auquel la plupart des femmes pauvres ont accès n'est pas adapté aux besoins des individus qui s’efforcent de faire tourner une entreprise pour générer des revenus. Et en Afrique, le prix de ce crédit est très élevé.

Nous avons regardé autour de nous et nous nous sommes rendu compte que d'autres pays avaient trouvé la solution. Dans les années 90, certaines régions d'Amérique latine ont très bien compris comment faire de la microfinance. C'est un secteur bien structuré et bien géré dans des pays comme le Pérou, la Colombie et la Bolivie. Le Bangladesh a compris. L'Inde est en train de le faire. Mais en Afrique, nous n'avons pas encore atteint le stade où nous disposons de secteurs financiers bien diversifiés capables de servir correctement la grande part d’individus qui ne fait pas partie du système, et à un prix abordable. Par exemple, les taux applicables aux microcrédits au Kenya dépassent 70 % en TAEG. Lorsque les Indiens se plaignent de taux d'intérêt de 25 à 30 %, nous rêvons, nous, de tels taux en Afrique !

Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agissait d'un problème d'écosystème. Nous essayons de comprendre comment une collaboration plus efficace au sein de cet écosystème pourrait commencer à faire baisser le prix du crédit, comme cela a été fait en Amérique latine à l'époque, et comme cela est en cours en Inde aujourd'hui. Et quels sont les mécanismes qui permettront d'y parvenir tout en renforçant les marchés et non en les faussant ou en nous laissant à la merci du secteur privé (une des raisons pour lesquelles cela coûte si cher aujourd'hui).

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