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Quel impact de la COVID-19 sur la digitalisation du secteur agricole au Sénégal?

posté par Le Hub de la Finance Digitale , le 21 déc 2020
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Auteur(s): Abdoulaye Sek

La COVID-19 a impacté tous les secteurs d’activité économique notamment le secteur agricole. Malgré son impact économique, cette crise sanitaire a permis de renforcer la digitalisation de la chaîne de valeur à travers des initiatives technologiques prises par certaines entreprises dans le but d’assurer l’approvisionnement de biens et services alimentaires durant cette période. Ces initiatives ont permis de voir la naissance de nouvelles plateformes de commerce en ligne et de livraison mais aussi des entreprises qui ont changé leur stratégie pour adopter des canaux de ventes numériques. Cette crise sanitaire n’est-elle pas une opportunité pour montrer que le numérique est incontournable au développement du secteur agricole? 

La COVID-19 a encouragé les distributeurs de produits alimentaires à utiliser les services financiers numériques pour répondre à la demande de la population. Ces paiements numériques ont donné des avantages considérables notamment pour freiner la transmission du virus car les transactions se font en ligne mais aussi en termes d’inclusion financières car des milliers de comptes ont été ouverts, en plus de la croissance d’utilisation des comptes. Les canaux numériques d’Ecobank ont augmenté de 56% au premier trimestre et NSIA a doublé ses transactions en ligne. Les services financiers numériques ont également permis aux vendeurs de produits d’avoir des transactions sûres, rapides et transparentes avec moins de risques. 

Cependant, la crise sanitaire de la COVID- 19 a causé d’importantes perturbations dans les chaines de valeurs. Des problèmes d’accès aux produits alimentaires ont également été constaté dans toutes les régions et les échanges commerciaux entre les régions et entre les pays frontaliers où transitaient des milliers de tonnes étaient bloqués.  Dans le nord-est du pays, la région de Niayes atteint des pertes de 5 tonnes de fruits et légumes tous les 2 jours. La distribution et la commercialisation étaient très compliquées à cause des mesures prises par l’Etat pour freiner la transmission du virus (le couvre-feu, l’arrêt du transport interurbain, la suspension des marches hebdomadaires dans les zones rurales, et fermeture des frontières). Les petites et moyennes entreprises rurales qui vendent les denrées alimentaires ont été obligées d'interrompre leurs activités sans préavis. Certains commerçants avaient stocké des articles essentiels très demandés avant la pandémie, mais la baisse des ventes a entraîné des pertes pour ces MPMEs car ils n’ont pas pu écouler leur stock à temps. De ce fait, les sources de revenus des ménages ruraux qui était de 85,1% dans l’agriculture ont baissé à 69,5%.

Comme la pandémie COVID-19 a perturbé les systèmes alimentaires locaux, plusieurs initiatives technologiques ont été prises par les entreprises et le gouvernement pour répondre aux besoins de la population, plusieurs acteurs ont proposé des solutions pour acheter des produits alimentaires sans se déplacer dans les grandes surfaces, les marchés ou les magasins.  L'incertitude demeure quant à l'évolution de la consommation après la pandémie et aux décisions relatives aux investissements dans les canaux de distribution, ce qui pourrait également affecter le développement futur des chaînes alimentaires. Pour certains, cependant, ces changements ont déjà présenté de nouvelles opportunités commerciales.

  • Club Kossam une société agroalimentaire qui propose des produits laitiers, de la viande et de légumes frais a accéléré sa transformation digitale en permettant à ses clients de commander leurs produits en ligne. Cette stratégie lui a permis de satisfaire 1.300 ménages à Dakar, son chiffre d’affaires a doublé pour atteindre 62 millions de franc CFA (112.000 USD) en avril et elle a recruté 25 employés pour faire face à la forte demande.       
  • YobanteYobante Express, une startup de livraisons, propose à son tour un service supplémentaire qui consiste à faire les courses pour les clients qui commandent et payent en ligne. Elles ont vu un changement de comportement des clients.  Pour répondre à la forte demande de ce nouveau service, elle a recruté une dizaine d’employés, ce qui lui a permis de doubler voire tripler son chiffre d’affaires et offrir la livraison sans contact. 
     
  • Sooretul, une plateforme de commerce en ligne qui commercialise des produits locaux, a mis en place une stratégie de promotion et de communication sur les réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp) pour avoir plus de commandes sur les produits d’Esteval, une société de transformation de fruits. Cette stratégie plus le support des supermarchés a permis à Esteval d’accroitre son chiffre d’affaire de 40% à 60% durant la pandémie.

Les plateformes numériques peuvent contribuer à déconcentrer et à augmenter le nombre de marchés en amont et en aval du système alimentaire, ce qui permet d'obtenir de meilleurs résultats à chaque extrémité de la chaîne d'approvisionnement.  

  • Le ministère du commerce avec l’accompagnement de Gaindé 2000 a mis en place une plateforme de mise en relation qui rassemble les acteurs du e-commerce, du paiement en ligne et de la livraison. Daniel Sarr, le Managing Director d’Orbus Digital, prévoit un monde beaucoup plus numérique post COVID-19. 
     
  • La plateforme Galali développée par Mburu pour faciliter la gestion des paiements des commissions, des galaliventes et prises de commandes ainsi que le suivi des stocks et chiffres d’affaires des points de vente. Mburu est une chaîne digitalisée de production et de commercialisation de produits boulangers et pâtissiers à base de céréales locales (mil, maïs, sorgho, etc…) entièrement gérée par des femmes, dont la distribution est faite à travers des Breadbox et Kiosques.

De plus, les effets de COVID-19 se produisent dans le contexte d'une urgence climatique. Dans le sud du Sénégal, la dégradation des sols entraîne un taux de chômage élevé et de plus en plus de départs de jeunes à la recherche de pâturages plus verts en Europe, ce qui fait de la Casamance la région sénégalaise où le taux de départ des migrants est le plus élevé. 

  • Le projet de la startup TOLBI  est de l’e-agriculture utilisant l’Internet des Objets, l’Intelligence artificielle, des capteurs électroniques et des images satellitaires pour une gestion intelligente et parcimonieuse de l’eau, un contrôle et un suivi de la santé des plantes.

Toutes ces initiatives ont montré que la pandémie actuelle de la COVID-19 a non seulement mis en lumière l’importance de l’adoption de la technologie dans le secteur agricole, mais elle a également démontré aux entreprises que le digital est un pilier essentiel pour le développement de son business. Le Sénégal a posé les jalons d'une base solide avec l'adoption de la loi relative à la création et à la promotion de la Startup, la Stratégie Sénégal numérique SN2025 et la création du Fonds de Soutien à l’Innovation numérique logé à la Délégation à l’Entreprenariat rapide des femmes et des jeunes (DER). Cependant, il doit également inciter le secteur privé à investir davantage sur les infrastructures et les canaux de distribution dans les zones rurales afin que les acteurs du secteur agricole puissent accéder aux services financiers numériques et au e-commerce. Il serait important de renforcer le financement des start-ups et de mettre en place également une réglementation claire afin de promouvoir l’innovation

Avec un soutien approprié, les entreprises axées sur l'agriculture peuvent jouer un rôle crucial en apportant une innovation soutenue par la technologie et en résolvant les problèmes critiques qui entravent la croissance de la communauté agricole. Les entreprises qui tirent parti du numérique joueront un rôle essentiel dans le soutien de l'écosystème agricole en améliorant la productivité, en contribuant à la croissance des exportations et en augmentant les revenus des agriculteurs.

 

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