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Face aux événements climatiques, peu d'options s’offrent aux agriculteurs du Nigéria

posté par Le Hub de la Finance Digitale , le 05 avr 2024
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En ce mois de juin 2021, les yeux plissés sous un soleil ardent, Ummi se demande si les pluies finiront par arriver cette année. Dans cette région rurale de l'État de Kano, au Nigeria, les pluies arrivent généralement en mars. L'année dernière, elles sont venues en avril – tardivement, mais heureusement pas au point de causer des dégâts. Il en va tout autrement cette année. Avec trois mois de retard, 75 % des plants de manioc d'Ummi sont déjà morts.

Elle a pourtant tenté de sauver sa récolte par plusieurs moyens – en engageant de la main d'œuvre pour amener l'eau d'un puits éloigné, en modelant le sol de façon à maximiser l'écoulement de l'eau et en épandant du fumier pour retenir l'eau. Heureusement, Ummi avait stocké une petite partie de sa récolte de l'année précédente, mais pour financer ces mesures d'urgence, elle a également dû vendre deux chèvres qu’elle avait reçues de son frère et solliciter un prêt auprès d'un groupe d'épargne local. La part de sa récolte qui a survécu – un quart – n'a rapporté que 4 % de son revenu habituel, si bien qu'au bout du compte, elle n'a pratiquement rien gagné en revenu net.

Flux de trésorerie et bénéfices potentiels d'Ummi (en USD) 

 

Graphique représentant Flux de trésorerie et bénéfices potentiels d'Ummi (en USD)

Ummi s'inquiétait également pour ses dix chèvres. La chaleur avait déjà réduit leur appétit et elles étaient de plus en plus maigres. Pire encore, elle craignait que leur état de faiblesse ne les rende plus vulnérables aux parasites et aux ballonnements dus à l'ingestion soudaine d'herbe grasse lorsque les pluies arriveraient. Elle savait également qu'elle devait renforcer leur abri, mais il lui restait peu d'argent après avoir essayé de sauver sa récolte de manioc. Finalement, elle a vendu deux chèvres pour renforcer l'abri, mais a tout de même perdu la moitié des huit chèvres restantes. 

L'expérience d'Ummi n’est pas isolée. Elle fait partie d'un échantillon de 250 agriculteurs du nord de Kano et du sud-est d'Enugu – deux des États les plus peuplés du Nigeria – interrogés dans le cadre d'une étude commandée par le CGAP visant à mieux comprendre comment les personnes en situation de pauvreté se préparent, font face et s'adaptent aux chocs et aux stress climatiques – et comment les services financiers les aident.

Nos entretiens avec Ummi et d'autres participants ont mis en évidence trois enseignements majeurs sur l'utilisation des services financiers par les ménages lors d’événements climatiques. 

Les stratégies financières jouent un rôle même lorsque les options financières formelles sont rares

Dans les zones rurales du Nigeria où nous avons mené notre étude, les services financiers formels se limitaient aux agences bancaires urbaines et aux envois de fonds par téléphone portable. Bien qu'ils soient minoritaires, ceux qui ont eu recours aux services financiers formels, en particulier à l'épargne en banque, ont été en mesure d’atténuer les pertes extrêmes subies par un grand nombre de leurs voisins. Par exemple, les quelques producteurs de manioc qui ont pu financer la solution coûteuse mais efficace consistant à louer une pompe à eau ont connu les baisses de revenus les plus faibles. Parmi ceux qui avaient loué une pompe à eau, plus de 50 % ont utilisé au moins une partie de leur épargne bancaire pour réunir les fonds nécessaires. Néanmoins, ce n'est pas la stratégie utilisée par la plupart des agriculteurs avec lesquels nous nous sommes entretenus.

Ils étaient beaucoup plus nombreux à recourir à des services financiers informels pour faire face aux chocs. La plupart préféraient utiliser leur propre épargne et leurs actifs avant d'emprunter de l'argent, craignant de devoir rembourser un prêt dans l'éventualité probable d'une mauvaise récolte. La vente d'actifs s’est avérée une stratégie importante, mais elle était plus facile pour les éleveurs de chèvres que pour les cultivateurs de manioc. Quant aux envois de fonds, ils ont joué un rôle étonnamment faible.

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