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En période de crise, qui soutient les institutions de microfinance et leurs clients ?

posté par Le Hub de la Finance Digitale , le 26 fév 2024
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La crise économique persistante que traverse le Liban a des répercussions dramatiques sur la vie quotidienne de ses habitants. Les familles sont confrontées à des difficultés sans précédent et les institutions de microfinance, essentielles pour les communautés locales, subissent de plein fouet ces problèmes économiques.

Cet entretien avec Youssef Fawaz, directeur exécutif d'Al Majmoua, une institution de microfinance (IMF) du Liban, nous éclaire sur les réalités auxquelles l'institution et ses clients sont confrontés dans le contexte des turbulences économiques actuelles. Il illustre l'urgence de la situation et la nécessité de fournir un soutien. Au-delà du contexte spécifique du Liban, cet entretien est riche d'enseignements pour la communauté internationale du développement : comment soutenir les institutions et protéger leurs clients pendant les crises économiques afin de préserver les progrès de développement ? Youssef Fawaz espère lancer un débat sur les moyens dont disposent les IMF pour faire face aux crises et sur le rôle des agences de développement pour soutenir leurs efforts.

Présentation de l'institution de microfinance libanaise et des effets de la crise économique

Portail FinDev : Al Majmoua est une IMF de premier plan qui opère au Liban depuis plus de vingt ans. Elle joue un rôle important dans la promotion de l'inclusion financière. Pouvez-vous nous la présenter rapidement ?

Youssef Fawaz : Al Majmoua est l'une des plus anciennes institutions de microfinance au Liban, créée en 1998 avec un capital initial de 3 millions de dollars. Depuis sa création, elle s'est employée à servir les clients pauvres et vulnérables, ainsi que les microentreprises, dans une période où personne d'autre n'était disposé à les soutenir. Au fil des ans, sa portée s'est considérablement élargie. En septembre 2019, un mois seulement avant la crise, son portefeuille comptait environ 93 000 clients actifs, pour une valeur totale de 100 millions de dollars. Notre organisation comptait 500 employés et opérait par le biais de 30 agences. Le portefeuille à risque, qui mesure le pourcentage de prêts présentant un risque de défaillance, se situait autour de 0,8 % à plus de 30 jours. En septembre 2019, notre actif total s'élevait à 121 millions de dollars, avec 67 millions de dollars de fonds propres. Ces fonds propres ont été constitués en 20 ans grâce aux bénéfices non distribués, à la croissance, à l'expansion et aux dons.

Portail FinDev : Comment la crise a-t-elle affecté l'institution et ses clients ? Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés et comment les gérez-vous ?

Youssef Fawaz : La crise a radicalement changé notre mode de fonctionnement. Nous n'avons plus que 26 000 clients actifs et un portefeuille d'une valeur de 5 millions de dollars. Le montant total de nos actifs a chuté de 121 millions de dollars à 7 millions de dollars. Cette perte de valeur brutale et le niveau de destruction des actifs sont sans précédent et ont eu un impact majeur sur notre institution.

Il faut savoir qu'avant la crise, en septembre 2019, Al Majmoua avait 25 millions de dollars en dépôt dans des banques locales au Liban. Malheureusement, lorsque la crise a commencé, les banques ont restreint l'accès des déposants à leurs fonds. Aucune loi ni mesure de contrôle des capitaux n'a été mise en place pour protéger nos fonds. Pour ne rien arranger, les banques ont restreint l'accès aux dépôts en dollars, ce qui a entraîné la dévaluation de nos fonds. Nous ne pouvions plus transférer cet argent hors du pays, ni l'utiliser dans le pays à sa véritable valeur nominale en dollars US. Aujourd'hui, la valeur résiduelle de ces dépôts bancaires est de 10 cents pour un dollar, et nous ne pouvons même pas les sortir de la banque. Cette perte dévastatrice nous a non seulement pris au dépourvu, mais a entraîné une réduction des effectifs et des activités qui nous ramenés 25 ans en arrière.

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