Par Achille Tefong et Kate Assi Okoué, Juin 2021
Education à l'entrepreneuriat : Une nécessité pour lutter contre le chômage en Afrique
Chaque année, environ 9,6 millions de jeunes arrivent sur le marché de l’emploi africain, pour seulement 3 millions d’emplois créés par an. L’urgence d’une réflexion anticipative se pose avec acuité.
Le marché de l’emploi reste très sélectif d'où la question de l’inadéquation entre la formation et les emplois disponibles sur le marché, très souvent remise sur le tapis. Cette question d’employabilité n’est-elle pas liée au fait que beaucoup de personnes soient formées à être des employés d’organisations existantes plutôt que de créer de nouvelles structures dans l’écosystème économique ? Aujourd’hui, les économies africaines sont encore soutenues à environ 89% par le secteur informel . En Afrique Subsaharienne par exemple, 32% des jeunes de 18 à 35 ans, sont des entrepreneurs de « nécessité » Notons que ce pourcentage d’entrepreneuriat de nécessité pourrait augmenter drastiquement si l’on considère le facteur genre pour les tranches d’âge supérieures à 35 ans. Et si cette tendance était complètement chamboulée? Si en Afrique Francophone des initiatives étaient prises pour voir émerger davantage d’entrepreneurs à impact, d’acteurs du changement ou d'entrepreneurs sociaux? Si l’entrepreneuriat était une vraie solution au chômage? Mais comment se tourner vers les générations futures, pour leur inculquer cette fibre entrepreneuriale dès leur plus jeune âge ?
Enseigner l’entrepreneuriat dès le primaire
Aujourd’hui le programme scolaire est très théorique. Inculquer l’esprit entrepreneurial très jeune présente de nombreux avantages et pourrait être considéré comme un enjeu sociétal. En effet, il développe chez les jeunes, des capacités et des aptitudes telles que la confiance en soi, la persévérance, l’autonomisation, la capacité à relever des enjeux sociétaux, la créativité, la découverte et l'exploitation d'opportunités, ou encore l'intention entrepreneuriale. Plusieurs études ont montré que la formation à l'entrepreneuriat influence positivement l'intention entrepreneuriale. Cette dernière étant le meilleur prédicteur de l'impact de la formation à l'entrepreneuriat.
Par ailleurs, une telle démarche permet aux apprenants d’avoir très tôt connaissance de l’environnement économique de leur pays et de mieux appréhender la démarche entrepreneuriale. Les apprenants se familiarisent avec les procédures de création et de gestion d’une entreprise et sont informés de l’existence de structures d’accompagnement à la création d’entreprises (incubateurs, accélérateurs, cabinets de conseils, structures étatiques de création d’entreprises…). Sensibiliser les élèves au métier de chef d’entreprise peut également les amener à le considérer comme une voie professionnelle possible. En outre, l'éducation entrepreneuriale vise à développer chez les élèves un plaisir à entreprendre et à mener à terme des projets. Aussi, force est de constater que tous les élèves scolarisés n’atteignent malheureusement pas l’université et intègrent le monde du travail et cela pour diverses raisons dont le manque de moyens. En Afrique subsaharienne, sur les 98% de jeunes inscrits au niveau primaire, seuls 9% atteignent l’enseignement supérieur et seuls 6% obtiennent leur diplôme. Il est donc important que ceux-ci puissent avoir des bases en entrepreneuriat afin d’assurer leur survie.
Quelques pays ont intégré cette approche entrepreneuriale dans le cursus scolaire,et ont un meilleur impact
Certains pays africains ont déjà compris l’importance de cette approche éducative innovante, même si la dimension d’un écosystème complet semble émerger également.
C’est le cas du Rwanda. Depuis 2016, l’entrepreneuriat est enseigné au même titre que l’histoire ou les mathématiques. L’objectif est de faire des travailleurs de demain des « créateurs d’emploi » et non « des demandeurs d’emplois », et fournir aux élèves et étudiants les compétences nécessaires pour réussir sur le marché du travail. Ainsi pour mener à bien cette mission, le gouvernement collabore avec l’organisation non gouvernementale américaine Educate ! également présente en Ouganda et au Kenya. En 2019, le ministère ivoirien de l’Éducation nationale et de l’Enseignement technique avec ses partenaires que sont l’Organisation internationale des écoles communautaires entrepreneuriales conscientes (Oiecec) et l’Organisation internationale de la francophonie (Oif) a décidé d’intégrer l’entrepreneuriat dans le système scolaire allant du préscolaire au secondaire, afin de “former le leadership de l’enfant, de le rendre responsable, autonome et de former un nouveau ivoirien entreprenant, véritable pierre angulaire d’une Côte d’Ivoire émergente et développée” comme le mentionne Effimbra Nicolas, inspecteur général de l’éducation nationale, coordonnateur de la vie scolaire.
L’éducation entrepreneuriale se révèle être une probable solution à l’employabilité des jeunes, comme observé à échelle réduite au Sénégal. C'est dans ce sens que Aeneas Chuma, directeur Afrique de l’Organisation internationale du travail (OIT) rappelait que “En Afrique Subsaharienne, 60% des 18 - 35 ans pourraient monter leur propre affaire”.
Comment procéder pour faire de cette initiative une réalité à l’échelle continentale ?
Trois idées/pistes pour repenser l’imprégnation à l’entrepreneuriat
Il est de coutume de voir dans les systèmes éducatifs d’Afrique subsaharienne Francophone, l’enseignement des cours d’entrepreneuriat au niveau supérieur/universitaire. Cette tendance bien qu’ayant posé les jalons d’une insertion socioprofessionnelle par la faculté à entreprendre, présente un impact peu visible. L’esprit d’entrepreneur doit être inculqué dès le plus jeune âge, c’est-à-dire lors de la prise de contact entre l’enfant qui commence à apprendre à compter et son environnement éducatif. Un véritable écosystème entrepreneurial doit être créé afin de permettre l’éclosion des entrepreneurs de changement. Sans être exhaustif, il conviendra de :
En ce sens, MicroSave Consulting s'engage dans des actions entrepreneuriales de nature à la promouvoir. Ce sont en effet des organisations d’ateliers destinés aussi bien aux plus petits qu’aux adultes comme en témoigne l’activité organisée en collaboration avec le Groupe Ecoles Alfred Nobel, 1ere école communautaire entrepreneuriale consciente de Côte d’Ivoire, de webinaires et la création de contenus éducatifs tels que des podcasts et des vidéos pour guider dans le processus de création d’entreprises, tous accessibles sur Le Hub de la Finance Digitale.
Aussi, par le biais de son institut de formation, l’Institut Helix de Finance Digitale, MSC a également développé une formation gratuite dénommée « Se lancer dans l’entrepreneuriat ».
A l'heure actuelle, 60 % de la population africaine a moins de 24 ans et la tendance est tournée vers une éducation de qualité et dématérialisée. L'Afrique compterait environ 260 millions d'élèves répartis dans 1,5 million d'écoles et environ 27 millions d'étudiants sur une population de 600 millions de personnes âgées de moins de 25 ans. D’ici 2030,on estime que 30 millions de jeunes arriveront chaque année sur le marché du travail. Cela impliquera de créer de l’emploi pour eux (450 millions d’emplois supplémentaires).
L’Afrique fera face à un défi de taille. Ainsi, généraliser cette approche éducative à l’ensemble de l’Afrique serait une réponse efficace aux problèmes d’employabilité des jeunes sans qualification et des nombreux enfants qui sortent du système scolaire sans savoir-faire. Les compétences entrepreneuriales, telles que la résilience, l'assiduité et la résolution de problèmes, seront extrêmement utiles à mesure que le marché du travail évolue et devraient donc être enseignées dès le plus jeune âge. Il en est de même pour les soft skills tels que la confiance en soi, le savoir communiquer, le leadership, la flexibilité, l’esprit d’équipe et la faculté à gérer le temps. Pour que les jeunes réussissent aujourd'hui et à l'avenir, ils devront non seulement renforcer leurs compétences générales existantes, mais aussi en développer de nouvelles.