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Défis et opportunités pour les femmes kényanes de la gig économie à l'ère numérique

posté par Le Hub de la Finance Digitale , le 22 mar 2024
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Par Pauline Katunyo et Ritika Sah

Jane, une transcriptrice indépendante de Nairobi, au Kenya, a déclaré : "J'ai un enfant en bas âge et un mari, et je dois m'occuper d'eux. Mon mari est également transcripteur indépendant. Donc, si nous transcrivons tous les deux, il a plus de temps que moi pour travailler et se concentrer".

Jane fait partie des nombreux travailleurs indépendants qui évoluent dans le secteur informel en Afrique. Le secteur du travail à la tâche et sa digitalisation ont transformé le paysage de l'emploi en Afrique. Une étude de la Fondation Mastercard a révélé que le secteur du travail à la tâche en Afrique s'est développé à un taux annuel moyen de 20 % et devrait atteindre 80 millions de travailleurs indépendants d'ici 2030.

Toutefois, une étude récente portant sur 314 travailleurs indépendants en ligne a révélé que la participation des femmes dans ce secteur au Kenya reste faible (28 %). D'autres études sur les travailleurs indépendants au Kenya et d’autres pays  ont conclu qu'environ 60 % de ces derniers  étaient des hommes. Les études ont également indiqué  que les femmes étaient plus susceptibles de quitter le secteur . Ceci est principalement dû aux normes sociales , aux conditions de travail et aux barrières professionnelles qui limitent leur participation.

Ce blog explore l'importance de la gig économie pour les femmes kényanes. Il explique comment cette économie leur offre flexibilité et indépendance financière. Il propose également des pistes de solutions concrètes pour combler le déficit de compétences numériques qui entrave la participation de nombreuses femmes à ce marché du travail en pleine évolution.

Le paysage du secteur du travail à la tâche  au Kenya

Le secteur du travail à la tâche au Kenya s'est rapidement développé grâce à l'émergence de plateformes de travail digitales. Ces plateformes ont transformé la façon dont les gens travaillent et créé d'autres opportunités économiques. Une étude de Mercy Corps prévoyait que le secteur des travailleurs indépendants  en ligne connaîtrait une croissance annuelle de 33 % et sera évalué à 345 millions USD en 2023. À la fin de 2022, environ 1,9 million de personnes étaient déjà engagées dans des emplois en ligne, contre 638 000 en 2019. La Banque mondiale prévoit que l'économie numérique du Kenya atteindra 23 milliards USD d'ici 2025 et créera des milliers d'emplois.

Le Kenya héberge plusieurs plateformes de travail à la carte, qui vont d'Upwork et Fiverr à des opérateurs  locaux, tels que le programme Ajira Digital. Selon l'étude de l'Alliance du secteur privé du Kenya (KEPSA) effectuée en 2020, 1,2 million d'adultes kényans travaillent aujourd'hui en tant qu'indépendants, en particulier dans le secteur des technologies. Les plateformes telles que Uber, Lyft, Grubhub, DoorDash et Fiverr sont devenues essentielles pour les travailleurs indépendants. Par conséquent, le présent et le futur du travail au Kenya impliquent des travailleurs qui participent à de petits boulots diversifiés avec des niveaux de formalité différents et une grande flexibilité.

Défis pour les femmes kényanes dans le secteur du travail à la tâche

Alors que le Kenya continue d'adopter le travail à la tâche à partir d’une  plateforme flexible et dynamique pour différentes opportunités d'emploi, les femmes sont confrontées à des défis uniques qui ont un impact significatif sur la façon dont elles participent à ce paysage en pleine évolution. Nous avons identifié ci-dessous les défis auxquels elles  sont confrontées :

- Un accès limité à la technologie : Le rapport de la GSMA met en évidence un écart de 38 % entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'utilisation de l'internet mobile. 54 % des femmes qui n'ont pas d'appareils mobiles citent le coût comme principal obstacle. De nombreuses opportunités d'emploi reposent sur des plateformes digitales, mais une fracture numérique entre les sexes persiste en raison de l'accès limité des femmes aux smartphones, du manque de fiabilité de l'internet et des problèmes d'accessibilité financière. Cela limite leur capacité à s'intégrer dans ces plateformes de travail en ligne et entrave leur participation à la main-d'œuvre numérique.
- Normes sociétales et barrières culturelles : Des normes spciales et des attentes culturelles profondément enracinées limitent souvent les choix des femmes kényanes en matière de travail. Les rôles traditionnels des hommes et des femmes peuvent décourager la participation des femmes à certains types de travauxl jugés plus adaptés aux hommes. Cela limite la diversité des opportunités qui s'offrent à elles. Les recherches menées par MSC au Kenya ont montré que les femmes étaient davantage impliquées dans des emplois traditionnellement féminins, tels que la coiffure, les services de beauté et l'entretien ménager. Les femmes assument ces rôles en raison de leur familiarité avec le secteur d'activité, de leur aversion pour le risque et des normes sociales. Les travailleurs indépendants occupent davantage des emplois tels que la livraison, la construction, la conduite et les réparations à domicile.
- Préoccupations en matière de sécurité :
Les femmes indépendantes sont plus préoccupées par leur sécurité physique et en ligne. Dans le cadre de certains emplois, les travailleuses doivent rencontrer des clients ou travailler dans des lieux inconnus, ce qui les expose à des risques potentiels. En outre, les plateformes en ligne peuvent ne pas disposer de mécanismes adéquats pour lutter contre le harcèlement et la discrimination, ce qui compromet encore davantage la sécurité des travailleuses indépendantes. Le risque de harcèlement sexuel est élevé lorsque le contrat de travail exige une interaction en face à face.
Absence de protection sociale :
Les travailleurs indépendants ne bénéficient souvent pas d’avantages traditionnels liés à l'emploi ni de la protection sociale dont jouissent les travailleurs classiques. Cette absence de sécurité est particulièrement difficile pour les femmes, qui peuvent être confrontées à des vulnérabilités supplémentaires. La gestion des soins non rémunérés et du travail rémunéré est également un défi pour les femmes kenyanes. Selon la Banque mondiale, la participation des femmes à la population active au Kenya en 2022 était de 74 %, mais les femmes étaient en moyenne payées 32 % de moins que les hommes. L'absence d'allocations de maternité, de couverture des soins de santé et de régimes de retraite désavantage les femmes et a un impact sur leur sécurité financière à long terme.
Le fossé entre les hommes et les femmes en matière de compétences numériques :
Le manque de compétences numériques est un obstacle majeur au progrès économique du Kenya. Il entrave la compétitivité et la productivité des entreprises, car celles-ci manquent de travailleurs possédant les compétences techniques nécessaires pour répondre aux exigences de l'économie numérique. Cet écart est particulièrement prononcé, puisque seulement 35 % des femmes utilisent des services numériques avancés, contre 54 % des hommes.

Le gouvernement et les plateformes numériques doivent relever les défis auxquels les femmes kényanes travailleuses indépendantes sont confrontées afin de garantir un avenir professionnel inclusif et équitable. Avec la croissance du secteur du trvail à la tâche,, il faut mettre en œuvre des politiques et des initiatives qui favorisent l'inclusion numérique, démantèlent les stéréotypes de genre et établissent des pratiques de travail équitables. Le Kenya peut exploiter le plein potentiel de sa main-d'œuvre féminine de 49,7 % s'il façonne un avenir du travail technologiquement avancé, socialement juste et inclusif. Les défis auxquels les femmes sont confrontées doivent être résolus pour libérer tout le potentiel économique du pays.

Soutien durable aux femmes kényanes travailleuses indépendantes

Les interventions durables en faveur des femmes dans le secteur du travail à la tâche au Kenya peuvent se concentrer sur plusieurs domaines clés qui améliorent leur culture numérique et leur accès à la technologie et leur permettent de naviguer efficacement sur les plateformes en ligne. Des programmes ciblés de développement des compétences qui répondent aux demandes du secteur du travail à la tâche  peuvent permettre aux femmes de diversifier leurs opportunités et d'augmenter leurs revenus. En outre, la promotion de politiques inclusives et de pratiques de travail équitables peut créer un environnement plus équitable et plus sûr pour les femmes kényanes travailleuses indépendantes. Le schéma suivant détaille les recommandations de MSC :

 

schema

Figure 1 : Recommandations de haut niveau prévoyant des interventions durables pour les femmes kényanes dans la gig économie

Conclusion :

De nombreuses femmes et filles kényanes ne s'engagent pas pleinement dans le travail indépendant malgré les opportunités offertes par l'économie des petits boulots. Avec la transition du travail en ligne, les facteurs liés au genre risquent d'exclure les femmes et les filles du marché de l'emploi. Le gouvernement et les autres parties prenantes doivent promouvoir l'inclusion des femmes et des hommes par le biais de politiques positives pertinentes. Ils doivent renforcer les lois et réglementations du travail actuelles en matière de protection sociale, d'égalité des chances en matière d'emploi et de normes de travail pour les travailleurs indépendants.
La connaissance des expériences des femmes sur les plateformes de travail digitales dans de multiples secteurs de l'économie est la preuve des possibilités de garantir des conditions de travail décentes. Les décideurs politiques et les entreprises de plateformes devraient jouer un rôle central dans la fourniture d'un travail de qualité. Ils doivent également améliorer la sécurité économique, soutenir le travail non rémunéré, accroître le contrôle des horaires par les travailleurs, assurer leur sécurité et fonder les politiques et les pratiques sur les préférences des travailleurs, ce qui nécessite une action collective.

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