Le doute n’est plus permis : la pandémie de Covid-19 touche également les pays en développement. Des centaines de cas ont été signalés en Amérique latine et en Asie du Sud et, au bas mot, 30 pays d’Afrique subsaharienne font désormais état de contaminations. L’Afrique du Sud et l’Inde ont annoncé hier le confinement de la population pour trois semaines et d’autres pays devraient bientôt faire de même. Au vu des niveaux d’équipement des systèmes de santé, mal armés pour affronter une pandémie, tout laisse craindre des effets du virus encore plus dévastateurs que dans les pays développés, avec des taux de mortalité supérieurs.
Les pays qui ont, les premiers, fait les frais de cette pandémie et mis en place des mesures de confinement pour la contrer ont parfaitement compris tous les dommages qu’elle allait entraîner pour les petites entreprises, les institutions financières qui les soutiennent et, globalement, l’activité économique. Pour eux, il ne s’agit pas de savoir s’il est urgent d’agir mais bien d’estimer l’ampleur de la réponse à apporter.
À ce jour pourtant, la communauté internationale de la microfinance semble réagir plutôt mollement face à l’ampleur de la crise, alors que le coronavirus se propage dans les pays moins avancés. Tandis que le monde entier se mobilise pour riposter à la pandémie, nous devons prendre des dispositions garantissant que le secteur financier ne laissera pas tomber les plus démunis.
Arrêtons-nous quelques instants sur ces facteurs auxquels le secteur financier est confronté à la veille d’une crise économique certaine et sur les conséquences probables de cette situation pour les clients pauvres :
Pour permettre à la microfinance de survivre à la pandémie, nous devons reconnaître la menace vitale que représente le coronavirus pour ce secteur. Chaque maillon de la chaîne doit commencer à se mobiliser pour assouplir les conditions de remboursement que les emprunteurs sont incapables de respecter lorsque l’économie cale et aider les institutions de microfinance à rester solvables. Il faut aussi se préparer à les recapitaliser pour qu’elles puissent reprendre leur activité de prêt et jouer ainsi à plein leur rôle dans le redressement post-crise.
Comme l’ont rappelé certains observateurs, ce n’est pas la première crise que traversent les institutions de microfinance et un certain nombre d’enseignements ont pu être tirés de ces expériences. Il est d’ores et déjà évident que cette crise aura un impact différent selon le profil des ménages, des institutions et des pays. Mais c’est la première fois, depuis que la microfinance existe, que les perturbations de marché prennent une telle ampleur. Bien sûr, nous préférerions avoir tort à propos des effets dévastateurs de la pandémie de Covid-19 sur les pays en développement, leurs économies et les plus pauvres de leurs habitants — ceux-là même pour qui la microfinance a été inventée. Mais cela paraît peu probable.
Pour permettre à la microfinance de survivre à la pandémie, nous devons reconnaître la menace vitale que représente le coronavirus pour ce secteur. Chaque maillon de la chaîne doit commencer à se mobiliser pour assouplir les conditions de remboursement que les emprunteurs sont incapables de respecter lorsque l’économie cale et aider les institutions de microfinance à rester solvables. Il faut aussi se préparer à les recapitaliser pour qu’elles puissent reprendre leur activité de prêt et jouer ainsi à plein leur rôle dans le redressement post-crise.
À quoi pourrait ressembler notre plan d’action ?
Si les choses étaient simples, il n’y aurait pas de crise… Mais vraisemblablement, faute d’un soutien important et de mesures concertées, la plupart des institutions de microfinance subiront de plein fouet la tempête qui se lève. Dès lors, quelles décisions faut-il prendre aujourd’hui pour garantir la survie du secteur et lui permettre, à terme, de participer à la reprise ? En évitant les questions qui fâchent et en tardant à planifier la riposte à la pandémie de Covid-19, c’est bien tout le mouvement de la microfinance moderne, et non la pauvreté, qui risque d’être relégué au passé.
D’où cet appel que nous lançons à nos partenaires du monde entier à se saisir au plus vite du problème, vu l’urgence de la situation. Avec l’aide de la Financial Access Initiative, le CGAP organisera dans les jours prochains des discussions avec différents acteurs de la finance inclusive pour évaluer l’impact de la crise dans ce secteur et recenser les mesures prises pour anticiper et atténuer le coup de frein imposé à l’économie pour enrayer la propagation du coronavirus. Nous rassemblons des informations sur les décisions politiques prises partout dans le monde afin de comprendre les conséquences qu’elles pourront avoir sur les institutions de microfinance et les fintechs inclusives. Et nous nous tournons vers les investisseurs et les bailleurs de fonds pour voir comment ils se préparent à aider les acteurs de la microfinance à sortir d’une crise qui n’est pas de leur fait. Nous avons ouvert un espace spécial de discussion sur le portail FinDev pour que les acteurs de la finance inclusive puissent s’exprimer et nous les encourageons vivement à partager toutes les informations utiles. Faites entendre votre voix !
La microfinance est le fruit d’une action collective : prestataires de services, bailleurs de fonds, investisseurs, décideurs, universitaires et autres professionnels de terrain, tous unis pour permettre aux pauvres du monde entier d’accéder à des services financiers. Ensemble, nous avons réussi de grandes choses. Aujourd’hui, nous tous, acteurs de ce secteur, devons nous mobiliser pour surmonter cette crise et préserver les gains durement acquis depuis 40 ans. Les centaines de millions de personnes pauvres qui sont tributaires de la finance inclusive pour emprunter, épargner et envoyer de l’argent comptent sur nous.