Selon les prévisions actualisées d’octobre 2024 du FMI, la richesse créée en Afrique subsaharienne à parité de pouvoir d’achat devrait atteindre l’équivalent de 15 $ par jour et par habitant en 2025. Cependant, la répartition trop inégale des revenus ainsi que la fuite des capitaux annihilent les effets positifs de cette création de richesse.
Ce chiffre se base sur une projection de Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant à parité de pouvoir d'achat (PPA) de 5533 $ par an en 2025. Ce dernier est en nette amélioration par rapport aux 5161,6 $ prévus en avril 2024. En outre, il s'agit de la huitième progression annuelle consécutive de cet indicateur depuis 2017, signe que la création de richesse dans la région suit une dynamique positive, malgré les nombreux défis à relever.
Ce montant de 15 $ par jour, ajusté selon le pouvoir d'achat (PPA), montre ce qu'une personne moyenne de la région pourrait consommer en théorie. Le PPA permet de comparer ce montant avec ce que l'on pourrait acheter aux États-Unis ou dans une autre économie de référence, en tenant compte des différences de coût de la vie dans chaque pays. Ce chiffre contraste fortement avec l’image courante d’une Afrique subsaharienne où une majorité de la population vit avec moins de 2 $ par jour. Cependant, il est essentiel de comprendre que cette estimation est une moyenne : la richesse produite n’est pas uniformément répartie, et une part importante de la population ne bénéficie pas de cette amélioration de manière tangible.
Une répartition inégale de la richesse : un frein au développement inclusif
Si l’augmentation sur une base absolue du pouvoir d'achat moyen par habitant est un signe encourageant, elle doit encore faire face au défi central de la répartition des richesses. La structure actuelle de l'économie subsaharienne, marquée par une prédominance des investissements étrangers sur les secteurs clés et une taxation inéquitable, limite les bénéfices de cette croissance pour les populations locales.
La majorité des investissements dans la région proviennent de capitaux étrangers, surtout en dehors de l'Afrique du Sud. Ces investisseurs, qu’ils soient des multinationales dans le secteur minier, pétrolier ou des infrastructures, rapatrient une part significative des bénéfices, ce qui réduit la part des richesses qui reste sous forme de revenu national brut. Cette fuite de capitaux freine l’accumulation de richesses au niveau local et limite la capacité des gouvernements à financer des programmes sociaux et des infrastructures.
Par ailleurs, les mécanismes de taxation, tels que la TVA et les droits d’accise, pèsent de manière disproportionnée sur les ménages à faibles revenus. Ces taxes régressives sont plus lourdes pour les classes populaires et réduisent leur pouvoir d'achat réel, accentuant ainsi les inégalités économiques. Selon plusieurs études, ces mécanismes de taxation constituent un obstacle supplémentaire pour les classes sociales les plus vulnérables, qui profitent peu de la croissance économique régionale.
La vulnérabilité du secteur agricole, une source d'inégalités
Un autre facteur clé de cette répartition inégale est la structure économique de la région. Environ 56 % de la population active en Afrique subsaharienne travaille dans l’agriculture, un secteur où la richesse créée est souvent faible. La plupart des exploitations agricoles produisent des cultures vivrières destinées à l’autoconsommation, ce qui limite les gains monétaires directs pour les producteurs. De plus, les prix des cultures de rente sur les marchés internationaux, comme le cacao ou le café, restent relativement bas, réduisant encore les revenus des agriculteurs.
Ce manque de valeur ajoutée dans le secteur agricole souligne l'importance d'une transformation locale. Le développement d'infrastructures de transformation et de stockage, ainsi que l'amélioration de la chaîne logistique, permettraient d’augmenter les revenus des agriculteurs et de mieux capter la richesse produite au niveau local.
Les opportunités et les obstacles pour une croissance durable
Malgré les progrès constatés, le potentiel économique de l’Afrique subsaharienne reste sous-exploité. Le manque d'infrastructures adéquates, de sources d’énergie fiables, et de chaînes de valeur locales limite la transformation de matières premières en produits finis, ce qui freine l’accumulation de richesses dans la région. Toutefois, la région dispose d'une certaine marge de manœuvre financière. Avec un taux d'endettement extérieur relativement bas (47 % du PIB) et un service de la dette estimé à 152 milliards de dollars en 2025, les pays d’Afrique subsaharienne ont la possibilité d'accéder aux marchés internationaux de capitaux pour financer des projets structurants, même à des taux d’emprunt élevés.
Des financements supplémentaires, même à des conditions de marché actuelles, pourraient permettre de réaliser des investissements essentiels dans les infrastructures, notamment dans les domaines de l’énergie et de la logistique, pour soutenir le développement économique local. Cela renforcerait les chaînes de valeur et permettrait de créer plus de richesse dans la région même, au bénéfice des populations locales.
Le rôle du FMI et des partenaires internationaux
Pour soutenir cette transformation, les pays d'Afrique subsaharienne bénéficient de plusieurs programmes d’assistance du FMI et d'autres bailleurs de fonds. Ces initiatives permettent aux gouvernements de poursuivre des projets d'infrastructure et de développement tout en assurant le remboursement de leurs dettes. Bien que ce processus de transformation économique soit complexe et présente des défis à court terme, comme observé au Nigeria, au Kenya et au Sénégal, il constitue un levier essentiel pour une croissance durable.
En conclusion, les perspectives du FMI pour 2025, avec un pouvoir d'achat moyen de 15 $ par jour pour les habitants de l’Afrique subsaharienne, sont un indicateur encourageant du potentiel de la région. Cependant, pour que cette croissance profite réellement aux populations, il est impératif de mettre en œuvre des politiques de répartition plus inclusives, de renforcer les infrastructures locales et de favoriser l’autonomie économique. Le défi reste donc de transformer cette création de richesse en un moteur de développement équitable et durable.