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Comment établir une relation forte avec ses agents et pérenniser les services financiers digitaux ?

posté par Le Hub de la Finance Digitale , le 05 fév 2019
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Comment établir une relation forte avec ses agents et pérenniser les services financiers digitaux ?

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“Je vais arrêter avec les activités. Je l’ai fait avec X [fournisseur]. J’ai dit à ses délégués de ne plus passer ici. Je travaille avec mon argent et je suis libre d’arrêter quand je veux, » déclara Monsieur Matamba un agent non-exclusif opérant dans la région du Kongo Central en Rébulique Démocratique du Congo (RDC). Il a commencé ses activités d’agent il y a six ans, tout d’abord avec Airtel Money puis avec d’autres opérateurs de monnaie électronique.

Comme les autres, il avait été motivé par le montant des commissions mais, au fil du temps, a vu ses bénéfices diminuer. Il poursuit, « si les fournisseurs améliorent leurs services, je vais continuer et demander aux amis agents de continuer aussi. Au cas contraire, nous arrêterons et ils vont perdre les clients comme pour les cas des agences des transferts “Ami fidèle” et autres...”

Monsieur Matamba connaissant de nombreuses personnes de sa zone opérant en tant qu’agents et soucieux de leurs conditions de travail, il a constitué une association d’agents.
En tant que président, il a porté les doléances des agents auprès des représentants des fournisseurs mais estime qu’il n’a pas encore eu gain de cause. Par conséquent, il a décidé d’arrêter de travailler pour un fournisseur. Il est en voie d’attrition pour les autres.

En République Démocratique du Congo (RDC), le marché des services financiers digitaux est en plein essor. Il est majoritairement dominé par les opérateurs de mobile money. Récemment, les institutions financières - à l’image de FINCA RDC qui fut précurseur dans le domaine - commencent à développer leurs offres.

MicroSave Consulting (MSC) a conduit une étude qualitative dans les régions de Kinshasa, Kongo Central, Katanga, Kasaï et Kivu, en allant à la rencontre des acteurs de la chaîne de distribution (managers de division, responsables de secteur, supers-agents, et agents) des cinq fournisseurs dominants. En nous basant sur l’approche MI4ID, MSC a axé la recherche sur la compréhension des comportements, des perceptions et des attitudes des agents.

L’étude a permis de dégager une grande variété de profils et de modèles d’approche des agents. En effet, ces derniers tiennent un rôle central dans la chaîne de distribution des services: ils sont à la fois le point de contact des clients et représentent une dépense importante pour les fournisseurs (40 à 80 % des revenus générés par l’activité). Les fournisseurs doivent donc aborder le développement et l'exploitation des réseaux d'agents avec une grande clarté stratégique pour une maîtrise opérationnelle suffisamment rigoureuse. Ainsi, pour un fournisseur, l’instauration et le maintien d’une relation optimale avec ses agents est primordial.

L’utilisation de l’approche MI4ID permet de cartographier le parcours des agents à partir de la prise de connaissance de l’opportunité du métier au développement des affaires. Le parcours d’agent représente les étapes idéales par lesquelles un agent évolue afin de devenir un ambassadeur à part entière du fournisseur. Le soutien support accordé à chaque étape par le fournisseur crée et renforce la fidélité de l’agent. La modélisation du parcours de l’agent permet de capturer et de communiquer sur son expérience lors d’une action ou d’un événement particulier.

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L’analyse des parcours d’agents en RDC dégage des enseignements clés utiles afin que les fournisseurs améliorent leur relation commerciale avec les agents et les responsabilisent[1]. Finalement, l’objectif est de garantir et d’assurer la viabilité des services fournis aux clients.

1.    De la prise de connaissance de la fonction d’agent à la candidature 

La construction d’une connaissance et d’une compréhension du métier d’agent.

D’un agent prospectif à un autre, les expériences d’obtention des bonnes informations sur le métier d’agent sont différentes en fonction de l’interlocuteur. La famille et les connaissances proches qui exercent déjà cette activité jouent un rôle important pour susciter l’intérêt d’un agent potentiel. Ils ont un rôle prescripteur et mettent en confiance l’agent notamment concernant les services des opérateurs de monnaie électronique. L’accès à ce métier est perçu comme facile : aucun diplôme n’est requis et il existe une possibilité de commencer avec un faible capital (matériel et emplacement) et un faible fond de roulement (liquidité).

Il s’en suit une forte demande de la part des agents prospectifs à laquelle les fournisseurs ne peuvent pas faire face. Un marché de vente de cartes SIM se développe. Le fournisseur gagnerait à prêter attention à la manière dont les informations sont communiquées aux agents prospectifs, et les canaux utilisés car les expériences des agents sur le terrain varient considérablement.

La raison d’être : l’intégration du rôle d’agent

Pour lever les doutes des agents prospectifs hésitants, la rencontre avec un représentant (officiel) commercial du fournisseur est importante. Elle permet de confirmer la compatibilité du candidat avec le profil d’agent recherché. Avec un agent prospectif ayant une relation existante avec le fournisseur soit en tant que client crédit (agent pour les institutions financières) soit en tant que revendeur de crédit téléphonique, l’opportunité de devenir agent, quand elle est présentée comme étant le fruit d’une sélection rigoureuse, éveille un sentiment d’exclusivité chez l’agent et est déterminante dans l’établissement d’une relation solide.

Bien entendu, la principale source de motivation des agents prospectifs sont les commissions. Il s’agit d’un revenu régulier mais pas forcément conséquent. Enfin, pour les agents non-dédiés, la possibilité de stimuler le développement de l’activité principale est un facteur important. Plus les informations données par le fournisseur aux potentiels futurs agents seront réalistes, plus ils auront une idée précise des conditions de travail et des bénéfices escomptés dans le cadre de cette activité.

2.    L’enregistrement et la mise en route des activités

En RDC, les agents opérant pour les opérateurs de monnaie électronique qui ne possèdent pas tous les documents officiels, l’enregistrement se fait sous forme de fiche de renseignements. La procédure d’établissement d’un compte agent s’en voit donc simplifiée. Cette fiche de renseignements n’éclaire pas l’agent sur ses droits et ses devoirs. Il n‘est pas non plus informé sur le travail que l’on attend de lui, ni sur la manière de le réaliser et les comportements à adopter en cas de difficultés. Il est primordial de poser les principes de la relation de partenariat avec les agents. Ceci sera déterminant dans les choix qui vont guider les comportements des agents lors de la réalisation des activités.

La pénurie de matériel de démarrage (livrets de transactions, supports marketing) est vécue par certains agents comme une inégalité et un manque de considération de la part du fournisseur. En conséquence, l’agent supporte un coût supplémentaire et espère donc une rentabilité supérieure de ses activités. Les agents ayant du potentiel peuvent se désintéresser de l'activité ou ne pas respecter les règles de conformité. Le fournisseur pourrait améliorer la politique de gestion des stocks de matériel pour s’assurer de leur bonne distribution auprès des agents. De la même manière, le renforcement des outils de contrôle et de suivi des acteurs en charge de l'accompagnement des nouveaux agents permettra d’assurer, dès le début, une meilleure gestion des agents.

 Les agents ont besoin d’une formation qui va au-delà du simple apprentissage de la réalisation des transactions. Elle doit leur permettre de comprendre les subtilités de la fonction et leur donner les clés pour réussir. Le fournisseur devrait accompagner les agents tout au long de leur carrière grâce à une formation initiale et continue diversifiée en fonction des capacités et des aspirations de chacun. Pour les agents des opérateurs de monnaie électronique, l’obtention du statut d’agent (la remise de la carte SIM agent, matériel et activation) devrait être systématiquement conditionnée au passage et à la réussite de la formation initiale. L’intégration d’exercices pratiques (dans la formation) permettra à l'agent d’assimiler les tâches qui seront attendues de lui. 

3.    La gestion des activités et le développement

Les agents font face à plusieurs barrières qui les empêchent de développer avec succès leurs activités. Tout d’abord, la proposition de valeur est remise en cause par l’insatisfaction des agents concernant le montant des commissions perçues. Leurs frustrations et la prédominance des transactions au guichet mènent à l'application de frais supplémentaires pour les clients, à une perte d'intérêt dans le métier et une baisse de la qualité des services à la clientèle.

Ensuite, la périodicité et le retard des versements érodent la confiance des agents envers le fournisseur. Les difficultés de la gestion des paiements des commissions renforcent l’incapacité de faire croître le capital et conduit vers l’attrition. Enfin, le manque d’incitation pousse les agents à ne pas vendre les services. Le fournisseur devrait présenter un modèle économique et une proposition de valeur pour l’agent qui reflète la dynamique du marché. Les récompenses doivent comporter des incitations monétaires et non monétaires.

De plus, la gestion des opérations et les perceptions des agents sur la qualité du support qu'ils reçoivent des fournisseurs sont très mitigées. Pour ne pas faire d’erreurs, certains agents en RDC laissent les clients écrire le numéro de compte sur le carnet de transactions ou bien sur le téléphone portable, ce qui favorise les risques de fraude. En cas d’erreur, la résolution de la plainte est longue. Les agents peu formés aux mécanismes de support vont payer les frais en remboursant les clients. Le fournisseur devrait investir dans des interfaces davantage sophistiquées afin de réduire les marges d’erreur des agents et améliorer le délai de traitement des réclamations.

La gestion des liquidités est également un défi. Les agents manquent de moyen ou de volonté d’injecter du capital dans le fond de caisse. Les mécanismes d’approvisionnement de liquidité sont insuffisants. Par conséquent, les agents utilisent des stratégies informelles pour compenser ce manque. L'agent doit faire patienter les clients sur une durée indéterminée afin de se réapprovisionner, ce qui entraîne des refus d’un type de transaction, une division de la transaction entre plusieurs agents, un transfert d’argent entre agents, une conservation de l’argent du client jusqu’à approvisionnement suffisant. Cependant, les stratégies informelles d’approvisionnement peuvent créer des risques de fraude et un abus de confiance. Afin de pallier un manque de liquidité, le fournisseur doit assurer une plus grande variété de modes d’approvisionnement (points fixes et mobiles) et fixer un niveau de service d’approvisionnement satisfaisant.

Considérons finalement le développement commercial. L’agent, en tant que partenaire, doit contribuer au développement de la clientèle et a besoin de soutien du fournisseur pour faire face correctement aux plaintes des clients. Le fournisseur doit encourager les agents à recruter les prospects et gérer la relation client. La gestion de la carrière d’un agent ne semble pas faire partie de la relation de partenariat.

Quoique les agents rencontrés aient prévu d’évoluer dans cette activité sur une durée indéterminée, certains ont pour ambition de gravir les échelons de la chaîne de distribution mais n’ont pas de relation directe avec le fournisseur et sont ni informés ni accompagnés pour atteindre leurs objectifs. Le fournisseur pourrait renforcer l’accompagnement des agents afin de développer la motivation et contribuer au succès. En résumé, l’examen des parcours des agents met en lumière les opportunités et les limites qui ralentissent sa progression et qui, dans le temps, contribuent à l’attrition de l’agent.

Pour les fournisseurs, l’amélioration de la relation avec les agents se fonde sur le principe du gagnant-gagnant guidé par la compréhension des aspirations des agents qui a besoin de se sentir considéré. En outre, une bonne relation passe par la définition et l’application d’une stratégie de gestion de la satisfaction des agents par l’établissement d’un système de segmentation et de gestion plus personnalisé et par le renforcement de la qualité du réseau, des systèmes de suivi et de communication vis-à-vis des agents. Ces actions sont nécessaires, les agents étant les piliers de la relation client. Investir garantit donc le développement des services financiers digitaux.

[1] La responsabilisation ou “empowerment” de l’agent est le processus d’amélioration de l’engagement et des habilités d’un agents au travers de sa relation avec le fournisseur, https://customersguide.cgap.org/sites/default/files/resource/2018/07/CG…

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